Interview partie 3 : mon parcours avec le Congo à l’Afrobasket


Après ces workouts et ce mois passé aux États-Unis, tu es rentré et tu as enchainé directement avec ta sélection et l’Afrobasket. Oui, je suis rentré à Paris et j’ai enchainé avec la sélection congolaise. C’était un monde différent. Je ne connaissais personne, et c’était très compliqué car on a dû créer cette équipe très […]

Oct 15
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Après ces workouts et ce mois passé aux États-Unis, tu es rentré et tu as enchainé directement avec ta sélection et l’Afrobasket.
Oui, je suis rentré à Paris et j’ai enchainé avec la sélection congolaise. C’était un monde différent. Je ne connaissais personne, et c’était très compliqué car on a dû créer cette équipe très rapidement. A la base, nous devions être 10 pros, avec les joueurs de pro A et pro B, mais ça ne s’est pas fait car il y a eu des problèmes. Et donc nous étions finalement dans une équipe avec 3 pros, le reste étant des joueurs locaux. C’était difficile car nous partions quasiment de zéro pour créer cette équipe. J’étais frustré car il y a eu des moments difficiles à gérer pour que la mayonnaise prenne. Spirituellement, je n’étais pas encore bien, car je m’éloignais de la prière, j’étais plus concentré sur mon énervement, et tous les problèmes qui accompagnaient cette situation. J’ai eu plusieurs fois des gros moments de doute, ce qui n’est pas dans mon habitude. Je me demandais vraiment où on allait, car je savais qu’on allait jouer contre des grosses équipes avec des bons joueurs.

A coup sûr, avec la défense qu’on avait, on pouvait faire quelque chose.

Malgré ça, les deux coachs français Stéphane Paty, et Dominique Gueret, ont installé cette équipe. C’était long et lent, mais à coup sûr, avec la défense qu’on avait, on pouvait faire quelque chose. La préparation a été longue, avec un mois au Cameroun. J’ai la chance de connaitre Luc Mbah A Moute et Jeremy Nzeulie de Nanterre, que j’ai vu là-bas. Il y avait même Thomas Drouot qui est venu trois jours à Yaoundé. J’étais donc un peu en famille. De Yaoundé, on est ensuite parti directement à Abidjan, avec toujours des doutes sur notre équipe. J’ai appelé ma mère et elle m’a conseillé de persévérer, elle me disait que j’allais faire une bonne CAN, que j’allais me révéler et qu’il fallait que je sois confiant. Mon frère me disait la même chose, qu’il fallait avoir confiance en soi, si Dieu a fait en sorte que je joue cette Coupe d’Afrique, ce n’était pas pour rien. Je les ai écoutés et j’étais complètement d’accord avec eux.

On a compris qu’avec du cœur, on pouvait y arriver.

Le premier match de la CAN, je n’étais pas stressé mais je découvrais quelque chose que je ne connaissais pas. Je fais 7 points, 4 rebonds, 4 passes. Pour moi, c’est un match très moyen. On prend 30 points contre le Cameroun alors qu’à la mi-temps on n’est qu’à 6 points… C’est là que je me suis aperçu que le manque de rotation et de joueurs pros nous a fait défaut. Mais après le match, j’ai dit à mes coéquipiers que si on a perdu de 30 points, c’est qu’on a lâché en deuxième mi-temps. Mais personne ne nous attendait en première mi-temps, à 6 points seulement du Cameroun. C’est là qu’on a compris qu’avec du cœur, on pouvait y arriver.

Le deuxième match, c’était contre le Nigeria. Très gros match, car en première mi-temps on perd d’une quinzaine de points, et le 3ème et 4ème quart-temps, on a joué comme si c’était un PL – Nanterre. C’était tendu, je voulais vraiment prouver, donc là j’ai mis mes shoots, je finis à 21 points, 7 rebonds. Et c’est encourageant, parce qu’on s’est dit qu’on jouait contre le Nigeria, qu’on avait perdu que de 15 points contre des joueurs NBA, d’Euroligue. On n’avait pas été ridicule. Le coach du Mali avait dit avant la CAN, que sa sélection finirait 3ème du groupe, car il estimait que le Congo était très faible. Et juste avant notre 3ème match contre le Mali, le Cameroun joue contre le Mali, et le coach du Cameroun était ami avec un de nos coachs. Du coup, il y a eu une grosse solidarité et je crois qu’il y a eu une cinquantaine de points d’écart (89-35). On s’est dit alors qu’il fallait aussi faire quelque chose contre le Mali, que le Congo n’avait pas gagné depuis 27 ans, qu’il fallait gagner. Le matin même, mon frère Romaric m’a envoyé un message en me disant que j’avais la responsabilité de faire gagner le Congo, et qu’il croyait en moi tout comme les supporters de l’équipe. Toute ma famille regardait les matchs avec des amis.

Quand on a gagné ce match-là, j’ai regardé vers le ciel et j’ai dit merci Seigneur ! Parce qu’on est parti de tellement loin, on voulait au moins une victoire, juste une victoire pour prouver qu’on n’a pas travaillé pour rien.

Et donc contre le Mali, on s’est lâché, comme si on savait qu’on était plus fort. On n’avait pas peur même si ils étaient plus grands que nous. Un bon ami à moi, Namory Boundy qui joue avec le Mali, était le go-to-guy de leur équipe, et moi j’étais le go-to-guy de notre équipe. Il a taffé les premiers matchs, et je me suis dit qu’il serait vraiment chaud contre nous. Pendant le match, j’étais bien, à 16 ou 17 points, et il à la mi-temps, on était à 34-37. Le premier quart-temps on a bien joué, le deuxième on s’est un peu relâché, le troisième était super important, il fallait les dépasser. Et au final, on a fait ce qu’il fallait, j’ai finis à 31 points, Namory n’a marqué que 11 points je crois. Je pense même qu’avec encore plus de concentration, je pouvais marquer une dizaine de points supplémentaires. J’ai raté des shoots bêtes, où je finis mal mon geste. Je dois être encore plus régulier dans ma concentration. Et quand on a gagné ce match-là, j’ai regardé vers le ciel et j’ai dit merci Seigneur ! Parce qu’on est parti de tellement loin, on voulait au moins une victoire, juste une victoire pour prouver qu’on n’a pas travaillé pour rien. Un cousin à moi, Yacine, qui a organisé les préparatifs et l’organisation avec l’équipe du Congo, est venu à la fin du match me féliciter et me dire « petit frère, tu as réussi ! ». Moi je ne m’en rendais pas totalement compte encore. Il m’a tout de suite dit que j’avais mis 31 points, que c’était énorme. Les seuls 30 points dont je me souvenais, c’était en espoirs ! Et beaucoup ont dit que j’avais fait gagner le Congo. Et j’ai réalisé qu’on avait fait quelque chose d’exceptionnel quand le président de la fédération du Congo et tous les officiels sont venus nous féliciter, ils sautaient, tout le monde était heureux. Il y avait des supporters du Congo, je n’en avais jamais vu autant. Mais à ce match-là, ils étaient beaucoup, ils chantaient, ils dansaient, c’était incroyable. La première à m’appeler c’était ma mère, elle était trop fière de moi. Ensuite, ça a été au tour de mon père, mon frère Romaric qui me dit « tu vois avant le match, je t’avais dit quoi ?! ». Antoine Diot qui préparait l’Euro m’a dit félicitations pour votre match, tout le monde m’envoyait des messages… C’est là que j’ai réalisé que j’avais fait gagner mon équipe, que j’avais réalisé quelque chose de bien.

Malheureusement, en 8ème de finale contre le Cap Vert, c’est un manque de rotation qui nous a fait perdre ce match. On était vraiment fatigué. Les trois pros, nous avions joué les trois premiers matchs 40 minutes. C’est dommage car je pense qu’on avait nos chances, que le Cap Vert était fort, mais qu’il était prenable. Tout le match, on était devant, on était à plus 10 en première mi-temps. Et à 3 minutes de la fin, tout s’est écroulé, je ne sais vraiment pas comment… Je ne sais pas si c’est un relâchement car on gagnait, mais je pense que c’était avant tout un manque d’expérience de toute l’équipe. A un moment, Chris Morlende et Jean Felix Moupegnou sortent, et deux joueurs locaux entrent. Et là, ils ont enchainé pour nous passer à plus 2. Au temps-mort, on a réalisé, ça nous a attaqué psychologiquement… Et on perd de 7 points. On était trop déçu car on pensait vraiment qu’il y avait quelque chose à faire. Après ce match, c’était les quarts de finale, on aurait joué l’équipe d’Égypte. Je pense que là encore, on aurait pu faire quelque chose.

La CAN ça cogne, ça fait mal, il faut être prêt à prendre des coups, c’est dur. Il faut être fort mentalement.

Comment as-tu trouvé le niveau des équipes africaines ?
Ça dépend. Dans notre poule, le niveau du Cameroun et du Nigéria, très très bon. Je pense que le Nigeria aurait pu gagner la compétition. Ils se sont peut-être sentis supérieurs aux autres, comme contre le Sénégal qui les a battus. L’Angola aussi, en Afrique c’est le patron. J’étais un peu déçu par la Tunisie, je pensais qu’ils étaient un peu plus forts individuellement et collectivement, car c’était quand même les derniers Champions d’Afrique. Mais franchement, la CAN ne m’a pas tant impressionné que ça, parce que j’ai vécu déjà beaucoup plus fort. Mais la CAN, ce n’est pas forcément le talent, la CAN ça cogne, ça fait mal, il faut être prêt à prendre des coups, c’est dur. Il faut être fort mentalement. Mais j’imagine juste qu’avec plus de pros dans notre équipe, on aurait même pu viser le titre de champion sur cette compétition, car on avait en plus de super coachs. Normalement en 2015, il y a les jeux africains qui doivent se dérouler au Congo, et si l’organisation se déroule bien, je pense être aussi de la partie !

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